De la création à la recherche


Dédiée aux arts numériques, électroniques et médiatiques, Oudeis (qui depuis son origine interroge les nouveaux médias et aborde d’une manière critique les nouvelles technologies) a créé des conditions de possibilités spécifiques pour créer, produire (des œuvres, du sens), accompagner, exposer, penser, enseigner, diffuser, rayonner. Ce qui en résulte aujourd’hui pourrait tout à la fois être comparé à un écosystème, un biotope, un milieu de culture : in fine un laboratoire de recherche et de création.

Oudeis, c’est un projet artistique, une association, une équipe, un projet aux dimensions politiques et sociales, une coopérative, un projet « glocal » (local/global) en situation de déterritorialisation, une plateforme de recherche (recherche-action) et de création, un objet d’étude en soi, une dynamique productrice de sens et de ressources pour penser et agir dans son champ.

C’est également un processus en perpétuelle évolution, une structure qui réfléchit à la manière dont elle « travaille » dans le monde de l’art et qui interroge en en permanence (par ses mouvements permanents, sa façon de se positionner, de se repositionner par rapport aux mondes dans lequel elle s’inscrit, ses préoccupations, conceptions, les possibles) ses conditions et outils de production, ses conditions d’existence, d’émancipation, d’apparition, son économie (les économies : celles qui lui donnent vie et celles qu’elle induit).

Si Oudeis est animée par des questions artistiques, théoriques, esthétiques, qu’elle fouille, qu’elle remue, qu’elle tente de faire « bégayer », de métisser, grâce à une équipe pluridisciplinaire et polyvalente, le projet reste quotidiennement ancré sur le ring de la réalité économique et des conditions d’existence. Cette précarité, cet incertain (pour faire référence à Pierre-Michel Menger), qui n’est pas qu’une fatalité, peut également être un moteur politique et philosophique : un des moteurs de la recherche.

En constante autoréflexivité, en constante adaptation - ce qui ne traduit pas la flexibilité de l’artiste critiquée par Boltansky et Chiapello faisant de celui-ci le créatif déterminé par le modèle capitaliste - Oudeis tente des articulations, croise, hybride, et navigue entre art, ingénierie, gestion économique, théorie, diffusion, production, programmation, technique, bien consciente que l’élargissement de l’art fait d’elle un des modèles du monde de l’art actuel participant de surcroît à l’invention du devenir de ce monde. Consciente de la nécessité de questionner son modèle, consciente de la nécessité d’expérimenter, d’explorer (artistiquement, statutairement, disciplinairement), et produisant sans arrêts de la ressource, des textes analytiques, des entretiens, ainsi que des œuvres-outils permettant de penser les relations et les activités humaines (du point de vue du créateur, du point de vue des spectateur, du point de vue de leur relation), Oudeis se veut « en recherche » et « en travail ».

Il est question de prendre le temps de la recherche, de prendre le temps de comprendre, de faire apparaître, de prendre des chemins de traverse, de frayer, d’inventer. Il est question de prendre le temps d’interroger les modèles, et de contribuer à l’évolution de ce vaste territoire qu’est l’art, cette activité humaine qui ne s’éloigne jamais du (et de la) politique, du social, de l’économique.