
Entretien avec Elea Baux, Artiste, doctorante (avril 2015)
MF : Bonjour. Pour resituer, je t’ai invité à participer à notre étude pour plusieurs raisons : en tant qu’artiste ayant en l’occurrence travaillé avec le verre, et plus particulièrement pour ta proximité avec le monde du verre et ta connaissance du milieu puisque tu vis avec un verrier, que vous vous battez mutuellement pour maintenir un atelier en activité malgré les coûts que cela entraîne, mais aussi en tant que chercheuse en Arts Plastiques. Il s’agit de questions génériques, ou primitives, qui peuvent être détournées, outrepassées. Nous donnons un cadre, mais il peut en effet tout à fait être dépassé. Car si nous nous intéressons à la question des rapports entre le verre et les nouvelles technologies (technologies numériques, électroniques, médiatiques) et à ce qu’il se passe lorsque des artistes combinent, de différentes manières, ces deux champs, c’est sous tous les angles, d’un point de vue multidimensionnel, technique, sensible, politique, etc. En effet, ces rapports entre verre et nouvelle technologies peuvent s’envisager sur le terrain de la transformation (usage de machines contrôlées par ordinateur pour transformer le verre), de l’association (association de formes en verre et de différentes technologies numériques, électroniques, au croisement de l’art, de la science, du design), sur le plan de la représentation (une « esthétique » des nouvelles technologies, une iconographie évocatrice), sur le plan sensible (production d’affects, de percepts, de sensations côté spectateurs), mais aussi économique, écologique, politique (questions des ressources, de l’énergie, des travailleurs qui le fabriquent, qui peuvent être des questions importantes dans le choix, ou non, de leur usage). Sans oublier que si les nouvelles technologies, de manière générale « apportent », « augmentent », elles doivent aussi être envisagées sous l’angle du fantasme et de la « solution » (http://www.actinnovation.com/innovation-technologie/a-day-made-of-glass-2-nouvelles-technologies-verre-video-anticipation-4335.html), rejoignant, peut-on du moins le penser, les rêves de transformation du monde par les technologies prônée par Google (biotechnologies, nanotechnologies, intelligence artificielle), qui s’apparente parfois à une révolution de type politique. On peut aussi aborder cette question sous l’angle du rapport art et technique, ancien, en termes de gains de pertes, de domination ou d’émancipation, ou simplement en termes de moyens.
Quelles sont les nouvelles technologies que vous utilisez et pourquoi avez-vous choisi ces nouvelles technologies ? Si ce n’est pas le cas, êtes-vous intéressée par la question des nouvelles technologies dans l’art en général, la création en verre en particulier ? Que pouvez-vous nous en dire, de votre lieu ?
EB : En 2012, après avoir créé le Cœur 2 pour l'Irak, un cœur (mimésis de l'organe humain) en verre soufflé au chalumeau par Stéphane Rivoal (qui m'a généreusement offert une carte blanche) que nous avons rempli de mon sang, il a fallu trouver une solution pour conserver ce cœur et surtout mon sang. Pour conserver ce sang, la solution que nous avons choisie fût de lui ajouter de l'héparine (molécule ayant des propriétés anticoagulantes) puis de congeler le cœur.
Après la congélation, il a fallu envisager une manière de présenter le cœur toujours congelé. Stéphane et moi avons fait appel à un spécialiste du sujet, Michel Amann, fondateur de la société Crystal Group - Maîtrise de l'éphémère, créant des événements avec de la glace et qui a mis au point des procédés techniques permettant d'inclure tous types d'objets dans la glace, une glace quasiment aussi transparente que le verre. Nous avons donc confié le cœur à Michel Amann et à son équipe. Ils l'ont inclus dans un bloc de glace – Pour les besoins scénographiques d'une exposition de ce cœur présenté en série avec 3 autres cœurs en verre au Centre d'Art/Musée du verre de Carmaux, le bloc de glace contenant le cœur a été taillé en cube de 30 cm d'arête. Bien entendu, simultanément, il a été nécessaire de penser la création et l'utilisation d'une machine frigorifique permettant de présenter le bloc de glace contenant le cœur, l'équipe de Michel Amann a créé un bloc frigorifique sur mesure en fonction des contraintes liées à l'exposition de la pièce pendant 6 mois. Ce fût un véritable défi technique, une fabrication totalement expérimentale. Cette machine est composée d'un moteur, dans sa partie basse, générant du froid qui est conduit par le biais d'un gel dans la partie supérieure en inox cubique (formée de 4 faces : droite / gauche / haut / bas, accueillant le bloc de glace contenant le cœur) permettant de maintenir gelé le bloc de glace, qui lui-même, reste au contact de l'air ambiant par sa face avant et arrière laissant ainsi apparaître le cœur en lévitation, prisonnier de la glace.
À Carmaux, la machine frigorifique était masquée par un socle, on ne voyait aucune partie technique, mais on pouvait entendre le "ronron" de la machinerie, un bruit, comme vous vous en doutez, très proche de celui d'un réfrigérateur. Les seules personnes qui ont eu accès à la machine étaient les techniciens du Musée et l'équipe de médiation culturelle. – J'en profite d'ailleurs pour les remercier encore pour le soin qu'ils ont apporté à celui qu'ils appelaient "le bébé", et pour avoir supporté mes appels téléphoniques (quasi quotidien) depuis Paris pour être sûre que tout allait bien. – En effet, cette pièce demande une attention de chaque instant, la formation du givre sur la partie supérieure de la machine et sur la glace doit être contrôlée très régulièrement car elle indique le bon ou le mauvais fonctionnement de la machine en fonction des conditions de température, de pression atmosphérique et d'humidité. Les réglages sont minutieux, et il peut être nécessaire de faire plusieurs modifications par jour.
Après l'exposition à Carmaux, le cœur est encore resté 6 mois exposé à l'atelier Silicybine à Arcueil[1]. À l'atelier, la machine frigorifique était totalement à nu, on en voyait les "entrailles". Le moteur était là sous le cœur, le maintenant au froid "en vie". Au total, le bloc de glace est resté au contact de l'air ambiant durant plus d'un an : un temps record ! En mai 2013, nous avons du le défaire de sa structure car la machine aussi bien pensé qu'elle l'ait été n'est pas faite pour permettre à la glace d'être conservée au contact de l'air ambiant aussi longtemps sans risque de fonte. Le cœur dans son bloc de glace bien attaqué par la fonte, a été placé dans un congélateur pour ne plus subir de choc thermique trop violent.
À ce jour, j'attends encore d'avoir les fonds nécessaire à l'élaboration d'une machine qui soit pensée pour rendre l'installation plus pérenne. La location de la machine pour l'exposition à Carmaux m'a coûté 4000 € pour les 6 mois d'exposition, (c'est un prix rabaissé que Michel Amann m'a fait, puisqu'il connaissait ma situation "professionnelle" : doctorante sans financement). Je vous laisse imaginer combien couterait la création et l'achat d'une machine plus puissante…
Plus récemment, il a fallu que je me penche sur la question du moulage du corps humain. Depuis 2010, je travaille sur un projet colossal de sculptures (2 versions) en pâte de verre et en fritte de verre qui auront la forme d'un corps humain à échelle 1. Le verre que j'utiliserai sera une composition faite à partir du sable du désert irakien. Pour créer cette sculpture, je veux passer par la prise d'empreinte par moulage sur modèle vivant. Je travaille plutôt avec le médium photographique habituellement et je n'ai fait que très peu de moulage depuis mes débuts. Je viens juste de tester pour la première fois, le moulage avec de l'élastomère de silicone spécial pour le corps humain (la référence du produit que j'ai utilisé est "RTV EC 22 Thixo Body", mais il en existe d'autres, on peut se le procurer chez Esprit Composite). Si je parle de ce produit, c'est parce que je trouve déjà ici qu'il s'agisse d'une nouvelle technologie. La technique du moulage sur nature du corps humain s'est répandue au XIXème siècle, à cette époque on utilisait du plâtre, un peu plus tard des bandes plâtrées. L'élastomère de silicone est une révélation, proche de l'alginate au niveau de la finesse de la prise d'empreinte, l'élastomère de silicone est assez simple à utiliser. Je considère ce matériau comme de la technologie avancée en matière de moulage du corps humain, car il a été créé afin d'avoir des propriétés d'élasticité (à l'inverse du plâtre ou de l'alginate) permettant une plus simple utilisation mais aussi et surtout de réaliser plusieurs tirages dans le même moule ce qui n'est ni possible l'alginate ni avec les bandes plâtrées. Et la plus grande avancée de ce matériau reste bien entendu, le confort pour le modèle puisque le temps de vulcanisation (temps de prise) est très rapide.
Pour la réalisation d'un corps humain à échelle 1 en pâte de verre, il est obligatoire de passer par le tirage d'un positif en cire afin de tirer un moule en plâtre qui servira au tirage en verre. Il est hors de question de tirer un moule sur le modèle en une seule fois, si l'on procédait de cette manière, le modèle serait mis en danger, tellement la pause serait longue.
La réalisation d'une cire aussi grande est complexe, elle n'est réalisable ni avec l'alginate qui n'accepte que le tirage en plâtre, ni avec les bandes plâtrées : le moule serait trop fragile et la technique bien trop contraignante pour le modèle. Même si l'on imaginait des prises d'empreinte du corps par fragments du corps en bandes plâtrés, il y aurait un nombre de plans de joint (raccords) vraiment trop important, et des retouches sur le tirage en cire qui m'ennuient beaucoup d'un point de vue tant esthétique que plastique.
Je n'ai jamais cherché consciemment à utiliser de nouvelles technologies dans mon travail de création. In fine, l'usage de l'élastomère de silicone et la construction d'une machine frigorifique sur mesure furent purement nécessaire. Pour le cœur en verre, il n'y avait pas d'autre solution pour conserver le sang. Pour le corps humain à échelle 1 en pâte de verre, seule cette technique va me permettre d'arriver au niveau de finitions que je souhaite atteindre étant donné les contraintes techniques liées à la pause et aux détails que je veux absolument obtenir.
MF : Pense-tu que les nouvelles technologies peuvent « enrichir » la création de verre (dimensions esthétiques, artistiques, formelles, plastiques), que pensez-vous que ça puisse « apporter », « augmenter » : manières de créer, de faire, de penser, de sentir, modification des savoirs faire, des usages ?
EB : Comment pourrais-je décemment répondre "non" à une telle question. Bien entendu, je suis convaincue que les nouvelles technologies peuvent apporter un enrichissement et une augmentation des capacités dans la création du verre et dans les arts en général d'ailleurs. Pour commencer à répondre je vais partir d'un sujet que je connais bien, la photographie. On aura vu une sorte de rebondissement avec le médium photographique au moment du passage de l'ère argentique à l'ère numérique. Un plus grand nombre de personne a subitement eu accès à cette technique qui méritait (auparavant) un apprentissage assez long et poussé techniquement que ce soit en termes de prise de vue ou de tirage. Avec le numérique, nous sommes passés à tout autre chose, tout le monde pouvait faire de bonnes photos, ce n'est pas pour autant que toutes les bonnes photos étaient faites par de bons techniciens, alors ma question est : dès lors que l'on rend accessible une technique en simplifiant l'outil dans son usage et qu'il ne faut plus être fin connaisseur pour créer quelque chose d'intéressant ou d'esthétique, se trouve-t-on toujours dans le champ de ce que l'on nomme "art" ?
Pour ce qui est du verre, les manières de créer se modifient considérablement depuis la naissance même de la technique du verre. Je ne suis pas historienne du verre et de ses usages, mais ce que je vois à l'atelier Silicybine (et ailleurs) me permet de faire un constat simple sur la technique du soufflage à la canne et de l'évolution de l'outillage. De four en terre au sol chauffé au bois avec un verrier assis en tailleur travaillant à la cuisse nous sommes passé à la station assise en position "chaise" toujours au travail à la cuisse, puis le banc de soufflage est apparu, et le gaz est arrivé, et même maintenant des fours de fusion électrique… Le verrier s'est éloigné de son four et donc du rayonnement de la chaleur, c'est alors que les fours ont pu grossir pour avoir une plus grosse capacité de production. On les a construits en brique et plus en terre. On a fait évoluer les matériaux isolants. La technique tchèque est apparue : du banc de soufflage on est passé à la station debout. Et je ne parle pas des gamins mécaniques et de toutes les évolutions de l'outillage qui ont été mises en place par l'industrie du verre. Sans parler non plus de la technique du soufflage au chalumeau qui est aussi une évolution des techniques de soufflage à la canne. Doit-on critiquer ces évolutions ? À mon sens, si elles font perdre des savoirs faire : oui ! Et c'est le cas, en effet, si l'on regarde la production au Moyen-Âge ou en pleine période du verre gaulois, on se rend compte, qu'aujourd'hui certains motifs sont des énigmes quant aux techniques que les verriers utilisaient à ces époques pour les réaliser. A-t-on cependant gagné d'autres acquisitions en savoirs faire ? Oui, c'est évident, pas même besoin d'un exemple pour le prouver.
Par ailleurs, ces évolutions ont eu aussi des conséquences sur le confort de travail des souffleurs de verre. Du four à gaz dont le bruleur ronfle bruyamment, nous sommes aujourd'hui capable de fusionner du verre grâce à l'énergie électrique et cela en silence. Les décibels dans l'atelier diminuent donc nettement ce qui n'est pas un petit confort dans un atelier. Si l'on regarde ce changement sous l'angle de l'écologie, je ne suis pas certaine que l'on puisse parler d'une évolution positive, entre le gaz et l'électricité, je ne sais pas lequel des deux est le plus polluant. Après ces quelques constats, le dilemme est grand pour trancher sur la question.
MF : Quelles sont les limites de l'utilisation des nouvelles technologies / technologies numériques dans l'art du verre aujourd'hui?
EB : Je pense que les limites de l'utilisation des nouvelles technologies peuvent se dessiner dans une pensée éthique de ses usages. Je crois que lorsque l'on fait évoluer une technique avec de nouveaux moyens technologiques, on se doit de faire très attention à ce que l'on risque de perdre en savoirs faire existant d'un côté et en terme de conscience de l'empreinte énergétique de l'autre. Cette question et ces constats ne sont pas nouveaux et se posent à chaque fois qu'une évolution technologique apparaît sur le marché dans n'importe quel champ d'activité, la science, la médecine, l'agroalimentaire, l'aviation, etc.
Pour ce qui va concerner le verre, prenons un exemple concret : l'apparition des imprimantes 3D. Aujourd'hui, si je veux créer un objet en pâte de verre, je peux passer au préalable par son façonnage numérique. Je crée un fichier 3D de mon objet, je le fais imprimer puis je fabrique son empreinte en moulage, je tire une cire, je fabrique le moule en plâtre et je tire enfin la pâte de verre. Avant l'apparition de cette nouvelle technologie, que fallait-il faire ? Il fallait que je fasse moi-même (ou que je fasse faire) mon objet dans une autre matière, que je sculpte dans du bois par exemple ou que je façonne en modelage avec de l'argile cet objet que j'avais en tête, que j'en tire une empreinte... puis les mêmes étapes pour la suite.
Qu'a-t-on perdu et qu'a-t-on gagné entre les deux protocoles ?
J'ai gagné à apprendre l'utilisation des outils numériques pour la réalisation de mon impression 3D ou bien j'ai fait travailler quelqu'un qui maîtrise ces outils. J'ai perdu les savoirs faire de sculpture en bois ou de modelage en argile pour la création du même objet ou je n'ai pas fait travailler quelqu'un qui les maitrisait. Dans le premier cas, c'est certain, j'ai remplacé la main par la machine, j'ai remplacé le bois ou l'argile par un matériau de synthèse. Mais c'est vrai, j'ai eu ma pièce en envoyant un mail à quelqu'un qui a pu imprimer mon fichier. Avant, je me serai déplacée pour rencontrer un artisan qui m'aurait fait visité son atelier, il m'aurait montré ses outils, parlé de son univers. Là, le type m'a dit au téléphone : "oui si j'ai un fichier dans 'tel format', tu l'auras pour demain". L'instantanéité est alléchante. La rencontre absente. L'ordinateur froid.
Je parle en connaissance de cause puisque j'ai vécu une situation comme celle-ci. Par souci éthique, je tairais les noms des sociétés et des personnes avec qui je travaillais à l'époque. Je travaillais pour Monsieur X, sculpteur, je l'assistais sur un gros chantier pour une célèbre maison de luxe. Il m'avait engagé pour réaliser une série de 5 sculptures en pièce unique reproduisant à petite échelle des monuments architecturaux. Ces sculptures que nous étions en train de créer allaient devenir des vitrines pour bijoux. Nous travaillons avec un délai assez court, nous n'avions que 4 mois pour produire ces 5 sculptures. Alors que nous étions en pleine production, le directeur artistique a annoncé à Monsieur X au bout de 2 mois de travail, que finalement, un "certain nombre d'éléments" allaient être réalisés grâce aux techniques d'impression 3D. Il fallait aller plus vite car finalement la date de livraison avait été avancée. Monsieur X m'a donc dit qu'il n'avait malheureusement plus besoin de moi. Lui non plus n'avait quasiment plus de travail. Les seules taches qui restaient à sa charge étaient le montage des différentes parties des impressions 3D. Il n'avait donc plus un travail de sculpteur mais de monteur.
Dans cette société ou la rentabilité devient la priorité absolue, ou il faut toujours aller plus vite et à moindre coût, on préfèrera se séparer d'un homme maitrisant des savoirs faire ancestraux au profit du travail de la machine.
Que vont devenir les sculpteurs et les modeleurs et leurs savoirs faire face à ce défi impossible à relever contre les performances inhumaines des outils informatiques ?
MF : L'utilisation des nouvelles technologies devrait-elle être accompagnée, selon vous, d'une réflexion critique sur les nouvelles technologies elles-mêmes en termes social, politiques, écologique, économique, etc. ?
EB : Je crois que j'ai déjà commencé à répondre à cette question-là, avec ma réponse précédente. Je suis certaine qu'il faille prendre la précaution d'élaborer une réflexion critique sur les manières d'aborder l'usage des nouvelles technologies. Ce positionnement, je le défends parce que je crois que les conséquences peuvent être assez catastrophiques sur différents aspects de la vie humaine. Pour continuer sur l'exemple développé ci-dessus, je dirais que si l'on pousse un peu plus loin, le fait d'avoir décidé de remplacer les techniques de sculpture ou de modelage au profit de l'usage d'une imprimante 3D va beaucoup plus loin. N'ayant pas utilisé les outils du sculpteur ou du modeleur, par ricochet, je n'ai pas non plus fait travailler celui qui fabrique ces outils. L'imprimante 3D est l'appareil photo numérique des sculpteurs selon moi. Elle est à utiliser avec une pleine conscience de ce que son usage peut engendrer. Les conséquences sociales peuvent être lourdes, on pourrait trouver des artisans sculpteurs ou modeleurs sans travail puisque leur travail ne sera plus nécessaire, au fil du temps, leurs savoirs faire vont donc se perdre.
Peut-être pouvez-vous citer une œuvre qui vous « touche » plus particulièrement (puisqu’il est question d’affect) qu’une autre dans celles qui font se rencontrer verre et « nouvelles » technologies ?
Markus Kayser, Solar sinter Project, de 2010. Je suis très sensible à ce travail pour plusieurs raisons. Tout d'abord et très simplement pour ce travail de transformation du sable du désert en verre. Étant donné mon projet de sculptures en pâte de verre créer avec du sable provenant du désert irakien, je ne peux qu'être émue par une telle création qui fait autant écho à mes désirs de création. Et puis, il y a cette dimension écologique, on sait que la fabrication d'objets en verre est extrêmement énergivore donc très polluante, alors le fait d'avoir créé une machine hautement technologique qui puisse fabriquer du verre grâce à l'énergie solaire directement dans le désert sur le sable sa matière première c'est vraiment poétique dans l'idée et très respectueux de la planète Terre, notre mère nourricière. L'univers des formes et le registre des matières de la machine sont très loin du concept en termes esthétiques, mais pour moi, ici l'idée prime.
[1] Silicybine est l'atelier de Stéphane Rivoal, souffleur de verre à la canne et au chalumeau, Christophe Gauvin qui travaille le verre à froid, la pâte de verre et le thermoformage, et Joël Clesse travaillant aussi le verre à chaud mais son activité est surtout portée vers une recherche en archéologie expérimentale en collaboration avec Joëlle Rolland, doctorante en archéologie, dont le sujet de thèse porte sur la reconstitution des techniques de fabrication des bracelets en verre gaulois. Deux apprentis en soufflage à la canne font aussi partie de l'équipe, Sibylle Peillard et Axel Guigue. Situé à Arcueil (94), cet atelier a été créé en 2011 par Stéphane Rivoal et Christophe Gauvin qui travaillaient auparavant respectivement chacun dans leurs ateliers à Pantin et à Montrouge.
Photo : Eléa Baux - Coeur (verre, glace, sang) - 2012