Entretien avec Gayle Matthias, artiste, enseignante (French/English)

Entretien avec Gayle Matthias, artiste, enseignante (French/English)


Manuel Fadat : Pouvez vous nous dire de quelles nouvelles technologies vous faites l'usage, pourquoi avez vous choisi celles-ci, et quelle est leur rôle dans votre démarche ? La relation avec la technologie est elle une question importante dans votre pratique ?

Gayle Matthias1Gayle Matthias, artist, senior lecturer, BA (Hons) Contemporary Crafts, Falmouth School of Art.: Je suis investie dans un projet de recherche collaborative avec Tavs Jorgensen portant sur l'outillage rapide (rapid tooling), l'impression de moules en 3D. Au départ, nous faisions partie du groupe de recherche numérique Autonomatic à l'Université de Falmouth. Depuis 2010, Tavs Jorgensen et moi avons fait des recherches sur la modélisation numérique, les processus de moulage et nous avons établi une méthode entièrement nouvelle pour créer des moules à base de plâtre directement à partir de dessins informatiques en 3D, sans avoir recours à des modèles de moules « physiques ».

Le projet a été initialement lancé comme un exercice technique pour explorer la relation entre technologie numérique et procédés de thermoformage du verre, mais il est devenu important pour moi de trouver des applications créatives pour informer ma propre pratique artistique. Je fais des sculptures à partir de l'idée de compositions anatomiques2L'artiste fait référence à la série « Anatomical deconstructions ». Pour des raisons de lisibilité et compréhension, nous précisons qu'il s'agit de sculptures intégrant des prothèses en verre pour objets cassés, travail qui évoque bien entendu les reconstructions anatomiques., mêlant des objets trouvés3L'artiste parle de « ready-mades »., cassés, du verre coulé (cast glass) et des plaques de verres

Au cours des cinq dernières années, j'ai travaillé avec des méthodes élémentaires de copier/coller associées aux objets trouvés, utilisant le verre pour exagérer les formes et suggérer la fragilité mais aussi le danger. Je ne suis pas, à l'origine, compétente en modélisation numérique et je voulais en conséquence trouver des méthodes alternatives pour générer des modèles CAO. J'ai donc commencé à utiliser un scanner 3D Picza ainsi qu'un scanner manuel pour numériser les parties brisés des objets. Je voulais « réagir» à ces objets et leur permettre de dicter les formes, ce qui les reconstitueraient dans une nouvelle composition, introduisant dans l'oeuvre l'idée d'une déformation imprévisible.

Les objets cassés pourraient être repositionnés sur la grille de base d'un scanner 3D MicroScribe. Le MicroScribe intègre le passage entre l'objet physique (la partie cassée ndt) et le logiciel de CAO. Il constitue également un outil qui me permet de capturer les mouvements et d'enregistrer des données. Positionner les données numérisées alors dans une composition que je peux contrôler dans un environnement virtuel m'a permis ensuite d'utiliser le logiciel Rhino pour créer des modèles de CAO, lesquels peuvent être appliqués à nos procédés de moulage.

Je crois qu'il serait bien de trouver une façon plus économique et précise de couler le verre . Une méthode qui soit plus en lien avec les progrès de la technologie numérique. Bien que la technologie ne constitue pas une part primordiale dans mon travail de création : elle est un outil, un moyen de faire des objets et d'explorer des idées de la même manière que l'argile ou la cire sont utilisées pour explorer des formes. Elle fournit juste différentes solutions qui ne sont pas plus ou moins bonnes, mais sont seulementtout aussi intéressantes que le concept qui préside à leur usage.

MF : Peut on dire que ces outils numériques influencent la forme, le sens ?

GM : En général, la production de moules en CAO confère une esthétique particulière sur la surface du verre, les procédés peuvent permettre une plus grande complexité et une plus grande précision dans les formes que ce qui est réalisable à la main. Certains procédés numériques comme la découpe laser ont une signature qui doit être personnalisée. Donc, à cet égard, les processus numériques peuvent constituer un langage matériel, mais cela peut être vrai également avec une pluralité d'autres moyens. Si vous désirez vous exprimer de façon spontanée, gutturale, disruptive, alors peut-être les processus numériques ne vous conviendront pas, à moins de les contourner ?

Personnellement, le cas échéant, j'aime combiner les éléments en verre créés par voie numérique, précis, avec ces objets vieux et cassés dans un acte délibéré de rajeunissement et de contradiction. Investir du temps, de l'énergie et de la précision dans un objet qui pourrait ne pas être considéré comme digne d'attention fait partie de ma démarche et vocabulaire.

MF : Qu'est ce que les outils numériques apportent à la création en verre aujourd'hui ? Pensez-vous que les technologies peuvent enrichir la création en verre (des points de vue esthétique, artistique, formel…) ?

GM : Oui, tout peut enrichir le processus de création. Et les technologies numériques vont étendre lepotentiel des procédés et de la production à bien des égards. Toutefois la particularité de ma pratique n'est vraiment portée sur la technologie. Je ne fais pas des œuvres pour parler des technologies de fabrication, ce qui n'est pas mon objectif principal. Je fais des œuvres pour communiquer une idée.

MF : Quelles sont les limites, selon vous, de l'usage des technologies digitales dans l'art du verre aujourd'hui ?

GM : Il y a des limites en matière de dépenses et d'accessibilité à l'équipement. Malgré l'ascension des Fablabs, la plupart des artistes n'ont pas accès à l'équipement numérique, bien que les coûts sont en baisse et que la culture numérique Do It Yourself est en pleine croissance. Tavs Jorgensen et moi-même, nous sommes actuellement en train de tenter de sourcer et de tester les consommables les moins chers pour l'impression 3D (Rapid Prototyping) afin de réduire les coûts de moules imprimés et de rendre le processus plus accessible à un public plus large.

MF : L'usage des nouvelles technologies devrait il être accompagné par une réflexion critique sur les nouvelles technologies elles même en terme social, politique, écologique, économique ?

GM : Oui, cela faisait partie de l'envie de mettre à jour le processus de moulage réfractaire comme l'Outillage Rapide. Les moules réalisés par impression 3D comportent un certain nombre d'avantages uniques par rapport aux techniques de moulage de verre conventionnelles, y compris : matériaux de moulage plus sûrs et plus précis, facilité de transition depuis les fichiers virtuels vers les objets en verre, économies dans les calendriers de production du moule et d'alllumage des fours. Ceux-ci ont tous des impacts écologiques et économiques en particulier. Il y a aussi le potentiel d'adaptation pour des applications en dehors du domaine du verre, par exemple pour la production d'objets en verre afin d'être plus accessible aux designers artistes qui travaillent en dehors de cette spécialité, ce qui pourrait entraîner une augmentation des projets de collaboration.

MF : Peut être pourriez vous nous donner quelques exemples d'artiste, d'oeuvres ou expérimentations qui vous semblent pertinents ?

GM : Tavs Jorgensen, bien que vous ayez déjà du le contacter ?

Janvier 2016.

Image : Gayle Matthias, Sinew II, digital kit and Rapid Tooling 3D printed moulds.

English.

Manuel Fadat : Could you tell us which digital technologies you use, why did you choose these technologies and what is their place in your statement ? The relationship with technology has been an important issue in your practice ?

Gayle Matthias4Gayle Matthias, artist, senior lecturer, BA (Hons) Contemporary Crafts, Falmouth School of Art.: I am involved in a collaborative research project into Rapid Tooling, 3D printing moulds for glass casting with Tavs Jorgensen. Originally we were part of the digital research group Autonomatic at Falmouth University. Since 2010, Tavs Jorgensen and I have been researching digital model and moulding processes for glass casting and we have established an entirely new method of creating plaster-based moulds directly from three dimensional computer drawings without the need for physical mould patterns.

The project was initially instigated to explore digital technology in relation to kiln-formed glass processes as a technical exercise but it became important for me to find creative applications to inform my own artistic practice. I make mixed media sculpture using broken ready-mades alongside cast and sheet glass relating to anatomical compositions.

Over the past five years I have been working with low-tech cut and paste methods responding to ready-mades using glass to exaggerate forms and suggest fragility and danger. I was not originally proficient at digital modelling and therefore wanted to find alternative methods to generate CAD models, so I began to use a Picza 3D scanning machine alongside a hand held scanner to scan broken edges of readymades so that I could digitize these objects. I wanted to respond to these broken objects and allow them to dictate the forms, which would reunite them in a new composition, to introduce an element of warped unpredictability into the work.

Broken ready-mades could be repositioned on the grid base of a microscribe so that they could be orientated with the microscribe. The microscribe integrates the engagement between physical objects and the CAD software it is also a gestural piece of kit that allows me to capture movement and record data. Positioning scanned data of ready-made surfaces in a composition that I could control in a virtual environment enabled me to then use Rhino to create CAD models, which could be translated into our moulding process.

I believe that it is beneficial to find a more economical, accurate way of investment casting glass than is currently available. A method that is more in line with the advances in digital technology. Though technology is not an important aspect of my creative work, it is a tool, a way to respond to objects and explore ideas in the same way clay or wax are used to explore forms, it just provides different solutions that are not superior or inferior, but are only as good as the concept behind their use.

MF : Can we say that these digital tools influence the form, the meaning ?

GM : In general, the production of CAD moulds impart a particular aesthetic onto the surface of the glass, the processes may allow for greater intricacy and precision of form than is achievable by hand. Certain digital processes like lazer cutting has a signature that needs to be personalized. So in that respect digital processes can provide a material language, but this can be played with through a variety of means. If you want to speak in a spontaneous, guttural, disruptive way then perhaps digital processes are not suitable unless you can subvert them?

Personally, when appropriate, I like to combine the digital precise glass element with the old worn broken ready-made in a deliberate act of rejuvenation and contradiction. To invest time, energy and precision in an object that might not be seen as deserving of this attention is part of my concept and material language.

MF : What digital tools bring into the glass creation, specifically ? Do you think that new technologies can enrich the glass creation (aesthetic, artistic, formal, dimensions) ?

GM : Yes, anything can enrich the creative process and digital technologies will stretch the potential of process and production in many ways. Though the emphasis of my creative practice is not really on the technology behind the production, I do not make work to speak about the technology of making, that is not my primary goal, I make work to communicate an idea.

MF : Which are the limits in the use of digital technologies in glass art today ?

GM : There are limits in relation to expense and accessibility to equipment, even with the rise of Fab Labs, most artists do not have access to digital equipment, though costs are falling and DIY digital culture is on the rise. Tavs Jorgensen and I are currently trying to source and test cheaper consumables for the RP printing to cut down the costs of printed moulds to make the process more accessible to a wider audience.

MF : The use of new technologies should be accompanied by critical reflection on new

technologies themselves in social, political, ecological, economic, terms ?

GM : Yes, that was part of the motivation to update the refractory moulding process as the Rapid Tooling, 3D printed mould has a number of unique advantages compared with conventional glass casting techniques including: safer and more accurate casting materials, ease of transition between virtual files to glass artefacts, economies in mould production and firing schedules. These all have ecological and economic impacts in particular. There is also the potential adaption for applications outside of the glass arena and for the production of glass objects to be more accessible to designers and artists working outside of this specialism, which could result in an increase in collaborative projects.

MF : May be could you give us some relevant examples of artists, works or experiments ?

GM : Tavs Jorgensen, though you have probably already contacted him ?

Janvier 2016.

Image : Gayle Matthias, Sinew II, digital kit and Rapid Tooling 3D printed moulds.

Notes[+]