Entretien avec Liz Waugh McManus, Artiste (mars 2015)

Entretien avec Liz Waugh McManus, Artiste (mars 2015)


VERSION FRANCAISE

MF : Chère Liz. Vous êtes artiste. J’ai découvert votre travail dans le cadre du Coburg prize for contemporary glass 2014, une œuvre croisant le verre et la vidéo, et c’est pourquoi je vous ai contacté pour une étude concernant le verre et les nouvelles technologies. En effet, nous avons commencé une recherche concernant les créations contemporaines alliant "verre" et "nouvelles technologies" ("à l'ère numérique"). L'idée est d'observer ce qui se passe quand les artistes choisissent de combiner ces deux domaines (dans toutes les dimensions: technologique, esthétique, artistique, poétique, plastique, symbolique, critique, mais aussi, pourquoi pas, économique, écologique). Tout d'abord, en tant qu'artiste, quelles sont les nouvelles technologies que vous utilisez et pourquoi avez-vous choisi ces nouvelles technologies ? Quelle est la relation que vous avez avec  elles ? Quelle est la place et le rôle des technologies numériques et les nouveaux médias dans vos œuvres ? Pouvons-nous dire qu’elles influencent sur la forme, le sens ? Ou sont-elles des outils, seulement?

LWM : J’utilise la vidéo, l’animation image par image (logiciels tel que Proanimate, After Effects, Premiere Pro, Photoshop, etc.) la projection numérique, un logiciel de projection interactive. Il y a cinq ans j’ai commencé à synthétiser deux aspects de ma pratique artistique à l'aide de la projection vidéo sur sculpture de verre. Auparavant, j’utilisais régulièrement la projection vidéo sur différents matériaux lors de performances théâtrales. (Aussi bien que le verre, ma pratique comprend la conception de performances, de l'animation, des masques, des marionnettes et le théâtre sensoriel). Le verre est fantastique pour effectuer des projections car il «contient» très bien la lumière et qu’il ne me limite pas à un écran bidimensionnel. Je peux projeter aussi bien sur un objet en verre en trois dimensions, en relief, ou un dôme.

J’aime travailler dans le théâtre car il tend à entraîner une réponse plus directe de son auditoire que la sculpture ne le fait. Dans les installations de verre / vidéo multimédia je peux provoquer une réaction plus directe chez le spectateur que lorsque je montre une sculpture en verre seule. Les spectateurs disent qu'ils trouvent cela particulièrement intéressant et je peux être ludique. Dans mes dernières pièces telles que Mirror, j’ai utilisé des logiciels interactifs de sorte que le spectateur peut littéralement jouer et interagir avec l'œuvre d'art, puisqu’elle répond à leurs mouvements physiques (quand les spectateurs bougent leurs mains face à l'œuvre d'art, la projection sur le verre du visage de la vieille dame se transforme en une image d’elle-même jeune).

En outre, parce que le théâtre ou la vidéo sont basés sur le temps, ils permettent le déroulement d'un récit, et les histoires sont très importantes pour moi, que ce soit des contes traditionnels ou des histoires personnelles. La combinaison de la sculpture en verre et de la vidéo me permet d'explorer un aspect narratif d'un objet.

Aussi, l'une de mes préoccupations, dans mon travail, est de créer l’impression d'une présence vivante, et c’est la raison pour laquelle j’utilise l'animation en image par image. Pour la pièce sculpturale c’est un mouvement figé dans le temps (par exemple, un geste, une éclosion de bourgeons, un souffle) qui donne l’impression de la vie et pour l'animation c’est une série d'images fixes qui, ensemble, créent le mouvement. En projection vidéo sur le verre, il y a une tension qui est créée entre les objets animés et leurs versions éthérées, ou fantomatiques, en verre (Dans mes pièces, parfois, on trouve en même temps une projection numérique 2D colorée d'une image photographique d'un objet réel et une version incolore en verre 3D du même objet).

Le verre, dans mes pièces multimédia se relie à l'imagerie dans la projection vidéo. Sur certaines œuvres, comme Sœurs, l'animation de deux maisons de poupées, j’utilise le mapping vidéo afin qu'ils correspondent. Voir le lien https://vimeo.com/70653219

J’utilise Photoshop et After Effects pour le mapping vidéo, mais j’aimerais expérimenter avec d'autres logiciels.

Jusqu'à présent, je n’ai pas utilisé de technologies numériques telles que le prototypage CAO, la découpe au laser ou au jet d'eau, etc. dans la fabrication même d’objets en verre. Les installations multimédia parlent de l'identité et de la capacité des objets à préserver la mémoire, de sorte que je préfère un aspect plus « fait main » en accord avec le matériau d’origine d'objets de musée, de vieux jouets ou souvenirs personnels. (Aussi, j’apprécie l'expérience haptique qu’implique le fait d’utiliser le dessin pour réaliser des œuvres).

MF : Que pensez-vous de l’usage des nouvelles technologies dans l’art du verre ? Que pouvez-vous dire sur l’impact des nouvelles technologies dans la création en verre et le design aujourd’hui?

LWM : Les artistes ont toujours été intéressés par l’exploration des nouvelles possibilités offertes par le développement de technologies.

MF : Pensez-vous que les nouvelles technologies peuvent enrichir la création en verre (dimensions esthétiques, artistiques, formelles) ?

LWM : : Oui il y a des artistes verriers qui créent de belles choses en utilisant des nouvelles technologies telles que les logiciels de design, découpage au jet d'eau ou au laser, des imprimantes 3D pour fabriquer des modèles et des moules etc. Dans le personnel et les étudiants  des universités du Royaume-Uni, comme à Sunderland, il y a eu des pionniers dans la recherche d'applications de ces technologies à l'art du verre.

MF : Quelles sont les limites dans l’usage des technologies numériques dans les arts du verre aujourd’hui ?

LWM : Concernant l'accès des artistes du verre aux technologies numériques, (des points de vue physique et économique), je crois que la plupart d’entre eux utilisant les technologies numériques dans la conception et la fabrication de leur travail ont commencé leurs recherches et premières expériences alors qu’ils étaient reliés à des universités où ils avaient accès à des équipements tels que les machines de prototypage, machines de découpe au laser ou à jet d'eau, etc. Une fois qu'ils en savaient plus sur les possibilités, ils ont pu accéder à l'équipement dans des situations industrielles dans des entreprises qui accueillaient des artistes et étaient ouverts à la production de petites séries plutôt que de la production de masse. Cependant, la technologie numérique devenant de moins en moins coûteuse, les équipements tels que les imprimantes 3D par exemple, seront plus largement disponible.

MF : L’usage des nouvelles technologies devrait-il être accompagné par une réflexion critique sur les nouvelles technologies elles-mêmes en termes social, politique, écologique, économique ?

LWM : Oui, il est important de réfléchir sur l'impact des nouvelles technologies au-delà de l'esthétique.

MF : Vous dites “oui il y a des artistes verriers qui créent de très belles oeuvres avec les nouvelles technologies”, et vous parlez également de l’université de Sunderland. Pourriez vous nous donner un ou deux exemples pertinents d’artistes ou d’œuvres?

LWM : Je suppose que je pensais à des artistes comme Vanessa Cutler, qui était chargée de recherche à l'Université de Sunderland et utilise la technologie de la découpe au jet d'eau ou Shelley Doolan (ex- Farnham and Swansea Metropolitan Universities) qui fusionne la modélisation CAO avec les techniques de façonnage à la main traditionnelles. Aussi Gayle Matthias et Tavs Jorgensen qui faisait de la recherche à l'Université de Falmouth dans des moules coulés en verre imprimés en 3D à partir de fichiers de CAO et Angela Thwaites qui est en train de faire des recherches de doctorat à l'Université de Sunderland sur l'utilisation de l'impression 3D de modèles pour la fabrication du verre.

VERSION ANGLAISE

MF : Dear Liz. You are an artist. I have discovered your work in the context of the Coburg prize for contemporary glass 2014, a work using glass and video, and it’s why I have contacted you for a study concerning glass and new technologies. Indeed, we have began a research concerning contemporary creations combining "glass" and "new technologies" (“in the digital age”). The idea is to observe what happens when artists choose to combine these two fields (in all the dimensions : technologic, aesthetic, artistic, poetic, plastic, symbolic, critic, but also, why not, economic, ecologic). So, first of all, as an artist, which are the new technologies you use and why did you choose these new technologies ? What is the relationship you have with “new technologies” ? What is the place and the role of digital technologies and new media in your works ? Can we say that they influence the form, the meaning ? Or they are tools, only ?

LWM : I use Video, Stopmotion animation, (so software such as Proanimate, After Effects, Premiere Pro, Photoshop etc) Digital projection, Interactive projection software. Five years ago I started to synthesise two aspects of my artistic practice using video projection onto glass sculpture. Previously I regularly used video projection onto different materials in theatre performances. (As well as glass my practice includes design for performances, animation, masks, puppetry, and sensory theatre).  Glass is fantastic for projecting onto as it 'holds' the light really well and I am not limited to a two-dimensional screen, but can project onto a three-dimensional or relief glass object or dome.

I enjoy working in theatre as it tends to entail a more direct response from its audience than sculpture does. In the multimedia glass/video installations I find I can elicit a more direct response in the spectator than with just the glass sculpture alone. People say they find it intriguing and I can be playful. In my latest pieces such as 'Mirror', I have used interactive software so the spectator can literally play and engage with the artwork as it responds to their physical movements (When the spectator moves their hands in front of the artwork, the projection onto the glass of the older lady's face changes to an image of her younger self).

Also, because theatre or video are time-based, they allow for the unfolding of a narrative and stories are very important to me, whether traditional tales or personal histories.  The combination of glass sculpture and video allows me to explore a narrative aspect of an object.

Also, one of the concerns I have in my work is to create a sense of a living presence, and stopmotion animation is an extension of this.  For the sculptural piece it is a movement frozen in time (eg a gesture, a bud opening, a breath) which gives the sense of life and for the animation it is a series of still images which  together  create the movement. In video projection onto glass, there is tension is created between the animated objects and the ethereal, or ghostlike glass versions of them (In my pieces there is sometimes both a 2D coloured digital projection of a photographic image of a real object and a colourless 3D glass version of the same object).

The glass in my multimedia pieces relates to the imagery in the video projection.  On some pieces, such as Sisters, the animation of two dolls houses, I use video mapping so that they match.  See link https://vimeo.com/70653219

I use Photoshop and After Effects for videomapping but would like to experiment with other software.

So far, I haven't used digital technologies, eg CAD prototyping, laser or waterjet cutting etc, in the actual making of the glass objects themselves. The multmedia installations are about identity and the capacity of objects to preserving memory, so I prefer a more handmade look in keeping with the source material of museum artifacts, old toys or personal mementoes.  (Also, I enjoy the haptic experience of using my hands to make artwork).

MF : What do you think about the use of new technologies  in glass arts ? What can you say about the impact of new technologies in glass creations and design today ?

LWM : Artists have always been interested in exploring the new possibilities offered  by developing technologies.

MF : Do you think that new technologies can enrich the glass creation (aesthetic, artistic, formal, dimensions) ?

LWM : Yes there are glass artists creating beautiful work by using new technologies such as design software, water jet or laser cutting, 3d printers for making models and moulds etc.  In the UK staff and students at the universities, such as Sunderland, have been pioneers in finding ways of applying these technologies to glass art.

MF : Which are the limits in the use of digital technologies in glass art today ?

LWM : Concerning glass artists' access to digital technologies (physical and economic), I believe most of them using digital technologies in the design and fabrication of their work began their research and initial experiments while connected to universities where they had access to equipment such as prototyping machines, laser or waterjet cutters etc.  Once they knew more about the possibilities, they were then able to access equipment in industrial situations in companies which welcomed artists and were open to producing small runs rather than mass manufacturing.  However digital technology is coming down in price so, for instance equipment such as 3D printers, will be more widely available.

MF : The use of new technologies should be accompanied by critical reflection on new technologies themselves in social, political, ecological, economic, terms ?

LWM : Yes it is important to reflect on the impact of new technologies in ways beyond just the aesthetic.

MF : You say “yes there are glass artists creating beautiful work by using new technologies” and you also speak about the university of Sunderland : Could you give us one or two relevant examples of artists or artworks ?

LWM : I suppose I was thinking of artists like Vanessa Cutler who was Research Fellow at the University of Sunderland and uses water jet technology to create her work, or Shelley Doolan (ex- Farnham and Swansea Metropolitan Universities) who fuses CAD modelling with traditional handbuilding techniques.  Also Gayle Matthias and Tavs Jorgensen who did research at Falmouth University into 3d printed glass investment casting moulds from CAD files and Angela Thwaites who is currently doing doctoral research at the University of Sunderland into the use of 3d printing of models for glass making.

Photo : Liz Waugh McManus, Sisters, castglass, videoprojection.