Entretien avec Peter Houk, Artiste, Directeur du M.I.T Glass Lab (octobre 2014)
VERSION FRANÇAISE
MF : Cher Peter Houk. Nous avons commencé une recherche concernant les créations contemporaines alliant verre et nouvelles technologies "à l'ère numérique". Nous sommes actuellement dans les premières phases du projet. Pendant la première phase, nous avons cherché des créations et des artistes, nous avons essayé de faire la liste de ces nouvelles technologies, pratiques et usages, nous avons suivi des pistes, nous conduisons des entretiens, nous recueillons des données, nous avons fait une liste des différentes problématiques. L'idée ne est pas de créer une catégorie, de découvrir une nouvelle «chapelle», une nouvelle tendance, ou de surfer sur les «tendances numériques», mais d'observer ce qui se passe quand les artistes choisissent de combiner ces deux domaines (dimensions esthétiques, artistiques, poétiques, plastiques, symboliques, critiques), et si la question de l'utilisation de "nouvelles technologies" va au-delà de la question des «moyens».
Vous êtes verrier et vous êtes également directeur du MIT Glasslab. C’est précisément pourquoi je vous ai contacté pour participer à notre étude. Les questions sont simples, en effet. Mais l’expression "nouvelles technologies" pourrait soulever plusieurs autres, sujets sociaux, politiques, économiques et écologiques, etc. Cher Peter, dans un premier temps, pourriez-vous nous dire si vous utilisez les nouvelles technologies dans vos œuvres ? Et quelle est votre relation avec les «nouvelles technologies»?
PH : Oui, j'utilise une combinaison de technologies nouvelles et anciennes dans mon propre travail en atelier. J'utilise des nouvelles technologies comme outils, pour aider à accélérer les choses que je fais déjà, ou pour étendre les possibilités en termes de détails, de plus grande échelle, etc. Par exemple, je me sers d'un CAD (Computer-aided design) vinyl cutter pour produire de grandes quantités de pochoirs coupés au jet de sable que j’utilise dans certains types de projets architecturaux. J'utilise une imprimante à jet d'encre grand format pour la fabrication de films positifs et négatifs pour obtenir des images très détaillées ou de grande envergure qui seront sablées au jet de sable. Je me suis servi à la fois de water jet cutter et de laser jet cutter pour créer des pochoirs au jet de sable aussi bien que des formes pour des moules en plâtre à l’intérieur desquels je coule ensuite du verre. Tous ces outils sont utiles. Certains vont même jusqu'à rendre possible ce qui était impossible avant. Donc, dans une certaine mesure, je me sers de ces outils juste pour m’aider à faire les choses plus vite, mais il est également vrai que ces outils me permettent d'imaginer et d’exécuter de nouveaux projets que je n’aurais pas été capable de penser avant d'avoir vu les possibilités offertes par ces nouvelles technologies.
MF : Quelle est votre politique en termes de nouvelles technologies au MIT Glass Lab ?
PH : Nous enseignons les techniques traditionnelles en début du cursus de verre soufflé, mais nous encourageons les étudiants à les utiliser de manières non traditionnelles. Et nous encourageons les projets qui explorent de nouvelles technologies, telles que le logiciel Virtual Glass développé au MIT (voir http://virtualglass.org) et le projet d'impression 3D (première imprimante 3D verre à chaud automatisée, projet mené par l’équipe Michael Stern, Shreya Dave, Markus Kayser, John Klein).
MF : Pourquoi, selon vous, devrions nous nous intéresser aux nouvelles technologies appliquées au verre, et quelles sont les perspectives ouvertes par ces nouvelles technologies ? Pensez-vous que les nouvelles technologies enrichissent la création en verre (des points de vue esthétique, artistique, plastique) ?
PH : Je pense que nous devrions être intéressés par les nouvelles technologies appliquées au verre pour plusieurs raisons.
- Elles nous permettent souvent d’exécuter les mêmes processus que nous exécutions avant de façon plus rapide, moins chère et plus précise qu’avec les anciennes méthodes.
- Elles nous permettent de modéliser des idées beaucoup plus rapidement que jamais auparavant, ce qui peut raccourcir le processus de la conception à la construction (the design-to-build process).
- Elles étendent et élargissent le sens de ce que nous considérions comme possible, non seulement à penser, mais à faire.
MF : Quel type de révolution représente la première imprimante 3D verre à chaud, sur laquelle sont en train de travailler Michael Stern, Shreya Dave, Markus Kayser, John Klein ?
PH : Nous ne savons pas encore. Tout le monde a probablement une autre idée de la direction que cette méthode particulière d'impression 3D pourrait prendre, mais il est encore trop tôt pour le dire. Nous travaillons encore sur le process et nous essayons de comprendre de quoi il est capable. Mon idée est que nous pourrions développer une façon d’imprimer des structures en verre de taille moyenne qui pourraient être associées dans des ensembles plus grands, pour faire des sculptures, ou dans l’architecture.
MF : Quelles sont les limites dans l’usage des nouvelles technologies dans les arts du verre aujourd’hui ?
PH : Je ne sais pas. Chaque technologie numérique a ses limites techniques, et celles-ci sont en train de changer rapidement. Je pense que le plus grand défi est de faire de l'art dans lequel le contenu n’est pas substitué par la technologie elle-même. La plupart des travaux réalisés avec les nouvelles technologies sont focalisés sur les capacités de la technologie, sans en dire plus ou quoi que ce soit d'autre. Donc je suppose que la plus grande limite est non pas tant dans les technologies que dans notre capacité en tant qu'artistes de les utiliser d'une manière vraiment originale et évocatrice.
MF : L’usage des nouvelles technologies devrait-il être accompagné par une réflexion critique sur les nouvelles technologies elles-mêmes en termes social, politique, écologique, économique ?
PH : Oui, je suppose que oui ...
VERSION ANGLAISE
MF : Dear Peter Houk. We have began, a research concerning contemporary creations combining glass and new technologies “in the digital age”. We are currently in the early stages of the project. During the first phase, we looked for creations and artists, we tried to do the list of those new technologies, practices and uses, we followed the tracks, we made interviews, we collected datas, we made a list of the different problematics. The idea is not to create a category of digital artists and designers, to uncover a new "chapel", a new trend, or to surf on "digital tendencies ", but to observe what happens when artists choose to combine these two fields (aesthetic, artistic, poetic, plastic, symbolic, critic, dimensions), and if the question of using “new technologies” goes beyond the question of “means”.
You are a glass artist, and you are also director of the MIT Glasslab. It’s precisely why I have contacted you to participate to our study, concerning the relationships between glass and new technologies, today, in the field of creation (and glass creation). The questions are simples, indeed. But the expression "new technologies" could raise several other social, political, ecological, economical subjects, etc. Dear Peter, in a first time, could you say us if you use new technologies in your works ? And what is your relationship to the "new technologies" ?
PH : Yes, I use a combination of new and old technologies in my own studio work. I use some new technologies as tools to help speed up things I already do, or to extend the capabilities of what I can accomplish in terms of greater detail, larger scale, etc. For example, I use a CAD vinyl cutter to produce large quantities of cut sandblast stencil to use in certain types of architectural projects. I use a large-scale inkjet printer for use in making film positives and negatives for very detailed or large-scale images that will be sandblasted. I’ve been using both the water jet and laser cutter to make sandblast stencils as well as forms for plaster molds that glass will be cast into. All these tools are helpful. Some even make possible what was not possible before. So to a certain extent I am using these tools to just help me do things faster, but it’s also true that the tools are allowing me to imagine and execute new projects that I would not have been able to think of before I saw the possibilities offered by these new technologies.
MF : Which is your policy in terms of new technologies in the MIT Glass Lab ?
PH : We teach traditional techniques in beginning glass blowing classes, but encourage students to use them in non-traditional ways. And we encourage projects that explore new technologies, such as the Virtual Glass software developed at MIT (see http://virtualglass.org) and the 3d printing project (Michael Stern, Shreya Dave, Markus Kayser, John Klein).
MF : Why should we be interested in the new technologies applied to glass, for you, and what are the perspectives open by new technologies ? Do you think that new technologies can enrich the glass creation (aesthetic, artistic, formal, dimensions) ?
PH : I think we should be interested in the new technologies as applies to glass for several reasons
- They often allow us to do the same processes we were doing before faster, cheaper, and more accurately than old methods;
- They allow us to model ideas much faster than ever before, and this can shorten the design-to-build process;
- They extend and enlarge the sense of what we consider possible, not just to think about, but to make.
MF : What kind of revolution the first automated, hot-‐glass 3D printer (Michael Stern, Shreya Dave, Markus Kayser, John Klein) represent, in glass creation ?
PH : We don’t know yet. Everyone probably has a different idea about where this particular 3d printing method could go, but it’s still too early to tell. We’re still working on the process and trying to figure out what it is capable of. My own idea is that we could develop a way of printing medium-scale glass structures that could be put together in groups to make sculptures or in architectural settings.
MF : Which are the limits in the use of digital technologies in glass art today?
PH : I don’t know. Every digital technology has its technical limitations, and these are changing quickly. I think the biggest challenge is making art in which the content is not overbalanced by the technology itself. Much of the work made with new technologies is like this - focused on the capabilities of the technology without saying much of anything else. So I guess the biggest limitation is not so much in the technologies as in our ability as artists to use them in ways that are truly original and evocative.
MF : The use of new technologies should be accompanied by critical reflection on new technologies themselves, in social, political, ecological, economic terms ?
PH : Yes, I suppose so…
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