
Entretien avec Vanessa Cutler, Artiste, enseignante, chercheuse (mars 2015)
VERSION FRANCAISE
MF : Nous avons commencé une recherche concernant les créations contemporaines alliant "verre" et "nouvelles technologies" ("à l'ère numérique"), et sur les relations entre le verre et les nouvelles technologies dans le domaine de la création de verre. L'idée est d'observer ce qui se passe quand les artistes choisissent de combiner ces deux domaines (dans toutes les dimensions: esthétique, artistique, poétique, plastique, symbolique, critique, mais aussi, pourquoi pas, économique, écologique). Vous êtes professeur et artiste, vous avez écrit sur le verre et les nouvelles technologies (New technologies in glass - 2012), et c’est précisément pourquoi nous vous envoyons quelques questions. Évidemment, ces questions sont simples. Mais elles soulèvent d'autres questions. N’hésitez pas à me poser des questions, vous aussi, ou "détourner" les questions, la problématique. Je suis sûr que votre distance critique, vos connaissances et vos expériences, donneront à vos réponses une consistance particulière et qualitative. Origines : pourquoi vous êtes-vous intéressée aux nouvelles technologies numériques dans votre cursus et dans vos créations ?
VC : J’ai commencé à utiliser la technologie en 1997, tout en faisant ma Maîtrise. Je voulais aller vers plus de précision dans la forme et c’était la solution.
MF : Quel genre de nouvelles technologies utilisez-vous dans vos créations ? Et quelle est votre relation aux «nouvelles» technologies ou technologies numériques (pratique, et même sensible, esthétique) ?
VC : J’utilise principalement la technologie de la découpe au jet d'eau pour la fabrication de mes œuvres. Mais je ne la vois pas nécessairement comme une technologie numérique, c’est un outil utilisé principalement dans le secteur de l'ingénierie auquel j’ai eu la chance de pouvoir accéder à des fins créatives. J’utilise Illustrator et/ou le logiciel de la machine directement pour dessiner et produire des formes.
MF : Selon vous, pourquoi devrions-nous être intéressés par les nouvelles technologies appliquées au verre, et quelles sont les perspectives ouvertes par les nouvelles technologies numériques ? Pensez-vous que les nouvelles technologies peuvent «enrichir» la création de verre et le design (dimensions esthétiques, artistiques, formelles) ? Comment ? Pourquoi ?
VC : Répondre à cela est assez difficile étant donné que le comment et le pourquoi sont liés l’un à l’autre. Précision, effet, inspiration et esthétique jouent tous un rôle dans le fait que je travaille avec ces procédés et c’est une façon de pouvoir « défier » la matière et les paramètres de la machine pour obtenir un dialogue créatif intéressant, « matériau contre procédé» et vice-versa. Étant capable d'explorer de nouvelles technologies, je peux tirer de nouvelles choses de cette matière que j'aime et que j’ai beaucoup de plaisir à travailler. Défi est le mot que j’aime utiliser, car les nouvelles façons de travailler et de poser des questions sont importantes dans notre pratique. Le verre comme matériau présente une polyvalence qui lui permet d’être utilisé facilement dans l'ingénierie, la technologie et l'art, et il permet croisement et dialogue entre tous les secteurs de l'éducation, de la fabrication et de l'art. Les technologies numériques jouent leur rôle comme des outils et des mécanismes en faveur de ce dialogue.
MF : Quelles sont les limites dans l’usage des technologies numériques dans la création en verre et le design aujourd’hui ?
VC : Je vois peu de limites à part le coût de certaines machines, surtout si vous souhaitez les acquérir, et dans ce cas la collaboration avec l'industrie est importante. Parfois en tant qu'artistes nous choisissons d'investir certaines technologies seulement pour des périodes ou des projets particuliers.
C’est une question d'équilibre, principalement entre le développement de l'idée et de l'esthétique, mais aussi entre les principes fondamentaux de l'apprentissage et l'application des procédés technologiques. Pour certains la manipulation directe intuitive et la compréhension de tous les processus qu'ils utilisent est une nécessité, pour d’autres, être à distance de la fabrication n’est pas un problème. Le risque dans l'apprentissage des processus de fabrication est d'adopter une méthodologie influencée par ces mêmes processus et dépendante d'une esthétique de la machine/technologie, ce qui n'est pas le cas chez certains artistes travaillant dans ce domaine.
De mon point de vue, on ne devrait pas compter sur la technologie pour faire qu’une idée deviennent une « bonne idée », ce n’est pas toujours la solution. Elle peut permettre le développement créatif, mais en même temps rendre les choses plus compétitives en termes de temps, d'investissement et d'accès. Cependant, comme pour la plupart des processus et des techniques que nous apprenons en utilisant le verre, le plus nous l’utilisons, le plus cela fait partie de la boîte à outils générale. C’est ce que certains ont choisi d'utiliser plus que d'autres.
MF : L’usage des nouvelles technologies devrait-il être accompagné par une réflexion critique sur les nouvelles technologies elles-mêmes
VC : Oui, bien sûr, avec les opinions et l'intérêt gouvernemental pour la technologie et le STEM (Science, Technology, Engineering, and Mathematics) mais pas pour le STEAM (Science, Technology, Engineering, Art and Mathematics) en tant qu’artistes et créateurs, nous devons démontrer l'importance et le rôle de la façon dont nous utilisons la technologie, mais aussi défendre l'équilibre nécessaire entre les compétences artisanales et la technologie. La technologie n’est pas la solution à tout, mais elle jouera un rôle. L'Analyse critique et les discussions montrant des approches intuitives dans notre champ spécifique, qui font des liens entre « faire » et « technologie », aideront à définir l'importance de la façon dont la créativité peut avoir des répercussions en termes sociaux, politiques et économiques. J'espère que politiquement et dans l'enseignement l'accent sur la technologie ne sera pas la seule réponse aux déficits de la croissance économique. L'innovation ne se résume pas à son soutien à la croissance commerciale, mais dans le processus créatif et d'analyse critique elle peut aussi s'appliquer à la manière dont les idées sont générées et développées, ce qui n'a pas toujours un rapport avec la technologie. Cela fait partie d'un débat beaucoup plus important qui voudrait qu’en tant que « créatifs » nous soyons plus entendus. Comme il y a de nombreux développements révolutionnaires dans le champ qui peuvent être diffusés à d'autres domaines et qui pourraient avoir un impact important en termes sociaux, politiques et économiques. En tant qu'artistes, nous avons souvent été à la pointe des programmes sociaux, politiques et écologiques / durables et je pense que nous avons été très sous-estimés en termes d'impact économique.
MF : Peut-être pourriez-vous citer un ou deux exemples d’œuvres ou d’artistes qui vous semblent pertinents ?
VC : Il y a de nombreux artistes dont je pourrais parler concernant leurs recherches sur le matériau, la technologie et la philosophie : Mark Zirpel et Matt Durran. En termes d'œuvres d'art Dr. Shelley Doolan et Erin Dickson produisent tous deux un travail dans lequel ils cherchent à appliquer l'esthétique du numérique et de la machine aux pratiques contemporaines. Le projet de Durran « Nose Cartilage Moulding » est extraordinaire en termes d'approche : faire pousser de la peau sur verre pour application humaine. Il y a d’autres artistes qui travaillent avec le verre tels que Daniel Clayman, Thierry Bontridder, Michael Eden, Geoffrey Mann, Tavs Jorgensen.
VERSION ANGLAISE.
MF : Dear Vanessa. We have began a research concerning contemporary creations combining "glass" and "new technologies" (“in the digital age”), and the relationships between glass and new technologies in the field of glass creation. The idea is to observe what happens when artists choose to combine these two fields (in all the dimensions : aesthetic, artistic, poetic, plastic, symbolic, critic, but also, why not, economic, ecologic). You are professor and an artist, you have wrote about glass and new technologies (New technologies in glass - 2012), and it’s precisely why we send you some questions. Obviously, questions are simples. But they raise other issues. Don't hesitate to ask me questions you too, or to “divert” the questions, the problematic. I'm sure that your critical distance, your knowledge and your experiences, will give to your answers a particular and qualitative consistency. Origins : Why did you get interested in new digital technologies in your cursus and in your creations ?
VC : I started using the technology in 1997 whilst doing my Masters. I wanted to create accuracy of shape and this was the solution.
MF : What kind of new technologies you use in your creations ? And what is your relationship to "new" technologies or digital technologies (practice, and even sensitive, aesthetic) ?
VC : I use primarily water jet technology in the manufacture of my work. But I don’t necessarily see it as a digital technology it’s a tool used predominantly in the engineering sector I have just been fortunate to be able to access for creative purposes. I use illustrator and or the machine software directly to design and produce the forms that I work with.
MF : Why should we be interested in the new technologies applied to glass, for you, and what are the perspectives open by new digital technologies ? Do you think that new technologies can “enrich” glass creation and glass design (aesthetic, artistic, formal, dimensions) ? How ? Why ?
VC : Answering this is quite difficult as how and why linked to one another. The accuracy, effect, inspiration and aesthetic all play a role in why I work with the process. They enable me to challenge the material and the machine parameters, to initiate interesting creative dialogue, “Material versus process” and vice versa. By being able to explore new technologies I can ask new things of the material I love and many enjoy working with. Challenge is the word I like to use, new ways of working and asking questions in our practice are important. Glass as a material has a versatility that itself comfortably in engineering, technology and art and it allows that crossover and dialogue between all sectors of education, manufacture and art. Digital technologies play their role as tools and mechanisms for that dialogue.
MF : Which are the limits in the use of digital technologies in glass art, and design in glass today ?
VC : I see little limits but the cost implications of certain machinery, especially if you wish to own some of this machinery that’s where collaboration with industry is important. As artists we sometimes only chose to dip in to certain technologies for particular projects or time periods. There is a question of balance; foremost between the development of the idea and the aesthetic alongside the fundamentals of learning how to apply the technological processes. For some direct intuitive handling and understanding of all the processes they use is necessity for others being more removed from the manufacture is not an issue.
There are dangers that learning the process making, the methodology seem more process driven and reliant on machine/ technological aesthetics, which for some artists working in arena is not the case.
From my standpoint you should not rely on technology making an idea good, it is not always the solution. It can enable creative development but at the same time make the opportunities more challenging in terms of time and investment and access. However like most processes and techniques we learn using glass, the more we use the more it comes part of the general toolbox. It’s that some chose to use more than others.
MF : The use of new technologies should be accompanied by critical reflection on new technologies themselves in social, political, ecological, economic, terms ?
VC : Yes of course with government thinking and focus on technology and STEM not STEAM (STEM stands for Science technology engineering and manufacturing, STEAM includes arts) as artists and makers we need to demonstrate the importance and role of how we apply technology but argue the balance that is needed between craft skills and technology. Technology is not the solution to every field but it will play a part. Critical analysis and discussion demonstrating intuitive approaches in our specialist field, that make links between making and technology will help define the importance of how creativity delivers impact in social, political and economic terms. I do have concerns that politically and within education the focus that technology is not going to be the only answer to shortfalls in economic growth. Innovation is not about enhancement to business growth but it can be in the creative methodology and critical analysis of how ideas are generated and developed and that doesn’t always involve technology. It is all part of a much bigger discussion that as creative people we could be more vocal. As there are some many groundbreaking developments in the field that can be disseminated to others arenas which could have a big impact in social, political and economic terms. As artists we have often been at the forefront of social, political and ecological/ sustainable agendas and I think we have very much been under estimated in terms of economic impact.
MF : May be you could give us one or two relevant artistic examples ?
VC : There are a numerous artists I could discuss in terms of their inquiry to the material, technology and philosophy : Mark Zirpel and Matt Durran. In terms of artworks Dr. Shelley Doolan and Erin Dickson both are producing work that investigates applying digital and machine aesthetics to contemporary practice. Durran’s “Nose Cartilage Moulding ” project is extraordinary in terms of approach - growing skin on glass for human application. Other artists, working in glass such Daniel Clayman, Thierry Bontridder, Michael Eden, Geoffrey Mann, Tavs Jorgensen.
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