
Shoï Extrasystole en résidence
Shoï Extrasystole est en résidence de recherche du 23 juin au 10 juillet 2015. Il est ainsi le premier artiste de notre "Potlatch numérique" et ouvre cette saison 2015-2016 consacrée à la recherche et l'expérimentation.
Il nous vient avec un projet qui nous invite à contempler l'espace, à l'écoute des astres ou, plus exactement, de leurs "cordes vocales". L'installation "Harmonie des sphères" (titre provisoire donné à l'œuvre) est une création de Cyrille Courte et Shoï Extrasystole, un hybride entre une architecture géodésique, la création sonore et la science. Elle intègrera le nouveau site de l'observatoire de radioastronomie de Nançay, sur lequel seront déployées des milliers d'antennes qui écouteront l'univers. Les ondes captées seront retranscrites et entreront en résonance avec la structure. C'est sur la mise en écoute de ces sons, habituellement inaudibles, que travaille Shoï Extrasystole.
"Il s’agit de mettre en vibration une géode à ciel ouvert avec la conversion en signaux électriques des ondes électromagnétiques reçues en direct par des antennes d’observation des étoiles. La géode est une structure auto-tendue conçue par Cyrille Courte. Elle s’inspire des travaux de Emmerich."
Ce temps de résidence est une étape de recherche importante dans la mise en œuvre du projet et elle nous permet aussi d'aborder les aspects scientifiques, techniques et artistiques de cette installation destinée à habiter de manière pérenne un site exceptionnel.
La résidence est documentée au fil de la recherche et cette page sera enrichie de nouvelles ressources à commencer par le blog de l'artiste.
La structure géodésique
"Harmonie des sphères" prend la forme d'une structure architecturale géodésique auto-tendue, c'est-à-dire qu'elle tient grâce à la force des tensions exercées entre les segments qui la composent.
Le terme scientifique de cette notion, qui s'applique aussi bien à la physique qu'à la biologie, est la tenségrité : "Les structures établies par la tenségrité sont donc stabilisées, non par la résistance de chacun de leurs constituants, mais par la répartition et l'équilibre des contraintes mécaniques dans la totalité de la structure." (Wikipédia)
La structure est inspirée des recherches architecturales de David Georges Emmerich dans les années 1960, sur son "Théâtre mobile".
David Georges Emmerich, "Théâtre mobile", FRAC Centre Photo : ©Philippe Magnon
Le dôme est une forme simple et universelle qui n'est pas sans rappeler la voûte céleste. On pensera à la mobilité de la yourte, à l'éphémérité des igloos et aux œuvres de Mario Mertz et de son association à la suite de Fibonacci. Elle est à la fois symbolique et poétique.
La structure est composée uniquement des arrêtes ce qui répond à la forme des antennes mêmes. La transparence, l'absence de cloison ramènent à la traversée de l'air, des ondes et à la porosité de l'atmosphère. L'espace délimité est symbolique et visuel plus que fonctionnel.
Si le projet de Cyrille Courte vise la pérennité de l'installation, le temps de la résidence de Shoï Extrasystole leur permet aussi d'envisager une modulation en créant une structure mobile qui pourra être activée dans d'autres lieux et d'autres contextes. Ce qui renoue aussi avec le Théâtre mobile d'Emmerich.
Cordes vocales des étoiles
Il suffit de faire l'expérience de la plongée sous-marine pour se rendre compte du fracas et de la multitude de sons qui emplissent les mers et les océans. Le silence n'y existe pas. Si nous pouvions faire l'expérience d'une écoute de l'espace, empêchée par le vide, c'est le tumulte et le vacarme des événements à la mesure cosmos qui nous parviendraient.
Pour se faire une idée voici un extrait de "sonorisation" enregistré par Shoï Extrasystole à l'Observatoire de radioastronomie de Nançay.
Comment donc rendre perceptible cet univers sonore qui nous est inaccessible ?
En exploitant les données reçues par les antennes, les signaux radio venus de l'espace. Ces signaux sont traités numériquement pour devenir des fréquences, ondes et pulsations. Leur origine dépendra de l'orientation des antennes en fonction des recherches en cours sur le site.
"Nous allons fonctionner par une transformée de Fourier qui va nous donner l’image d’un secteur de l’espace en données numériques pour des ondes électromagnétiques, lesquelles sont converties en données fréquentielles. Elles sont dépendantes des baselines des antennes soient leurs orientations et distances pour l’observation qui créent un interféromètre."
Ce sont ces fréquences interprétées qui seront mises en résonance avec les matériaux constituant la géode, entre autres des lattes polyester. L'interprétation des fréquences en "cordes" se fera par un logiciel-convertisseur développé par l'équipe informatique de Nançay. Le résultat sera adapté aux capacités physiques de l'audition humaine, certains hauteurs d'ondes n'étant pas perceptibles.
Pour créer cette résonance, Shoï Extrasystole teste durant sa résidence des transducteurs. Cela permet d'évaluer la résonance des matériaux.
À propos de Shoï Extrasystole
Programmateur et organisateur de concerts depuis 1991. Participe à quelques aventures musicales (Magic Mushrooms, Cry Babies, N.D.E.), organisationnelles (Hollow Produkts), il monte une salle de concerts avec la fédération Hiéro : l'Astrolabe à Orléans. Montage de projets artistiques : concerts, expositions, conférences sonores, créations, festivals, tournées...Musicien depuis 1987, participe au collectif d'artistes H.A.K. depuis 2005.
Joue en solo, ainsi qu’avec diverses formations suivant la forme des projets, et les rencontres artistiques collaboratives, nombreuses et internationales, quelques 450 concerts et performances.
Depuis plusieurs années, il collabore régulièrement à des projets multimédia, cinématographiques et scéniques, en particulier par des compositions électro-accoustiques.
Contexte du projet
Le projet, dont "Harmonie des sphères" est le titre provisoire, est une production entrant dans le cadre du 1% culturel pour la construction du réseau d'antennes nenuFAR, sur le site de radioastronomie de Nançay. Initié par Philippe Zarka, l'œuvre sera installée dans un cadre naturel entre forêt et antennes, et ouverte aux visiteurs. La coopération scientifique est au cœur de cette création, tant dans la conception, que dans le traitement des informations. C'est aussi une inscription dans un projet plus global entre différents sites : en France, en Australie et en Afrique du Sud.
Crédits
Cyrille Courte, artiste plasticien
Shoï Extrasystole, artiste sonore
Philippe Zarka, astrophysicien à l'Observatoire de Paris
Station de radioastronomie de Nançay
CNRS
Photo de l'artiste : © Sophie Carles